Le Prince Charles s'exprime sur la démographie lors d'un discours à Oxford


Non vous ne rêvez pas! Démographie Responsable ne s'est pas transformé en l'un de ces tabloïds anglais, toujours prompts à relever les moindres faits et gestes des têtes couronnées. Vous trouverez simplement ci-dessous quelques extraits, fort instructifs, du discours de ce personnage haut placé, connu de longue date pour sa sensibilité écologiste, intervention qui serait (malheureusement) restée inaperçue en France si elle n'avait été relevée par un site, d'ailleurs fort peu bienveillant à son égard.


« Lorsque je suis né en 1948, une ville comme Lagos au Nigeria comptait 300 000 habitants. Aujourd'hui, quelques soixante ans plus tard, elle en abrite 20 millions. Trente-cinq mille personnes occupent chaque "mille" carré de la ville [1], et sa population augmente de 600 000 personnes par an. »

« J'ai choisi Lagos comme exemple. J'aurais pu choisir Mumbai, Le Caire ou Mexico ; où que vous regardiez, la population du monde augmente vite. Elle croît à hauteur de l'équivalent de la population entière du Royaume-Uni chaque année. Cela signifie que notre pauvre planète, qui a déjà du mal à soutenir l'existence de 6,8 milliards de personnes, va devoir d'une façon ou d'une autre en abriter plus de 9 milliards d'ici à cinquante ans. Dans le monde arabe, soixante pour cent de la population a aujourd'hui moins de trente ans. Cela veut dire, d'une façon ou d'une autre, que 100 millions d'emplois nouveaux vont devoir être créés dans cette seule région au cours des dix à quinze années à venir. »

« Je suis parfaitement conscient des projections à très long terme qui annoncent que la population pourrait décroître. D'ici à 150 ans, les tendances indiquent qu'il pourrait ne plus y avoir que 4 milliards de personnes, peut-être même 2 milliards, mais on ne peut échapper au fait qu'à court terme, d'ici à 50 ans, nous allons faire face à des problèmes monumentaux tandis que les chiffres exploseront. Aucune méga-ville ne saura rattraper ce rythme d'expansion afin d'assurer de bons soins, de l'éducation, du transport, de la nourriture et un abri pour tant d'hommes. La Terre non plus ne saura tous nous soutenir, alors que la demande et les pressions sur sa munificence, partout, s'intensifient à ce point. »

« De manière frappante, là où ces prêts sont gérés par les femmes de la communauté, le taux de la natalité a baissé. L'impact de ce genre de plans, de l'éducation et de la fourniture de services de planning familial a été très vaste. Alors que pendant les années 1980, les familles moyennes du Bangladesh avaient six enfants, le nombre moyen est descendu à trois. Mais alors que les méga-cités explosent comme elles le font, je crains que ce type de plans ne soit pas à même de soulager la misère (de beaucoup) de millions de personnes à moins que nous nous confrontions clairement et plus honnêtement que maintenant au fait que l'une des principales causes des forts taux de natalité demeure culturelle. »

« Cela pose quelques questions morales très difficiles, je le sais, mais chacun de nous ne porte-t-il pas la même responsabilité à l'égard de la Terre ? Il est sûrement temps de demander si nous pouvons en arriver à un point de vue qui permette d'équilibrer l'attitude traditionnelle par rapport à la nature sacrée de la vie humaine d'un côté, et de l'autre, les enseignements à l'intérieur de chaque tradition sacrée qui exhortent l'humanité à rester au-dedans des limites de la bienveillance et de la munificence de la Nature. »


Dans son discours [2], outre celle de la démographie, le Prince Charles aborde toute une série de questions, de la déforestation tropicale, aux dégâts causés par l’agriculture et la pêche intensive, en passant par la valeur économique de la biodiversité. Sur ce dernier sujet, il s’étonne de la frénésie médiatique entourant la crise bancaire actuelle comparé au peu d’intérêt que suscite la perte de biodiversité, qui entraîne pourtant, sur le plan économique, des pertes similaires, voire plus importantes. En tous les cas, cette crise, qu’elle soit environnementale ou financière, traduit en réalité une crise plus profonde mettant directement en prise l’Homme et la nature, dans ce qu’ils ont de plus intime. La solution ne pourra donc être uniquement trouvée, selon lui, dans la science et la technologie.

[1] Ce qui correspond à une densité de 13 700 hab/km2, le "mille" carré étant égal à 2,56 km2.

[2] Dont le texte intégral (en anglais) est ici.