Prévention des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest

Moins de deux semaines après la tenue du sommet du CILSS (Comité permanent Inter États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel) à N’Djamena sur la maîtrise de l’eau pour faire reculer la faim au Sahel, le RPCA, dont le CILSS est un des acteurs, s’est réuni à Paris dans le but de faire des recommandations face à la crise alimentaire et nutritionnelle sérieuse frappant l’Est du Sahel.

Au Niger et au Tchad, ce sont en effet respectivement 2 700 000 personnes et près de 2 000 000 de personnes qui ont besoin d’une assistance d’urgence. Au Niger, 5 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire modérée.

Les causes évoquées sont les suivantes : « La baisse de production céréalière, de plus de 30 % par rapport à l’année dernière au Niger et au Tchad, la détérioration des termes de l’échange (bétail/céréales, cultures de rente/céréales) et le manque de fourrage pour les animaux frappent les zones sahéliennes du Niger, du Tchad, le Nord-est du Mali et du Burkina Faso. (…) Les niveaux de prix très élevés dans ces pays exacerbent les difficultés d’accès des ménages pastoraux et agropastoraux aux aliments. »

Des recommandations ont donc été faites par le RPCA aux Etats, aux organisations d’intégration régionale ouest-africaine (UEMOA, CILSS, CEDEAO) et à leurs partenaires, telles que la distribution d’argent ou de bons d’achat aux plus vulnérables dans les lieux où la nourriture est disponible ou encore l’organisation par la CEDEAO d’une réunion d’urgence au cours du mois d’avril, des ministres du Commerce et de l’Agriculture et ceux en charge des actions sociales et/ou humanitaires (la liste complète des recommandations est consultable ici .

Lors de la conférence de presse, qui a clôturé ces deux journées d’étude, la question de la prise en compte du problème de la forte natalité et de l’augmentation rapide de la population en Afrique de l’Ouest a été abordée, comme solution possible à cette crise alimentaire. Voici, pêle-mêle, quelques éléments de réponse.

Alhousseini Bretaudeau, CILSS (Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel)

« Le département Populations et développement du CILSS doit rendre un rapport dans les prochains mois sur ce thème.

Le phénomène observé est plutôt celui d’une augmentation de la population urbaine. »

Laurent Bossard, CSAO (Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest), OCDE

« Après le péril jaune, tout le monde craint le péril noir !

Les politiques de planification familiale ont des effets mais sur le long terme. Nous passerons donc par les 2 milliards annoncés. En outre, dans ce domaine, rien ne doit être imposé. Ce sont les femmes elles-mêmes qui doivent prendre les décisions les concernant. »

Mamadou Cissoko, ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest)

« En Afrique, avoir beaucoup d’enfants est synonyme de puissance !

Mais le sujet n’est plus tabou. Les gens en parlent, les jeunes comme les vieux. Nous sommes conscients du problème. Les choses évoluent. Il existe des formations sur ce sujet. Des dispensaires ruraux s’ouvrent. Mais tout cela prend du temps et a un coût.

Nous pouvons toutefois être optimistes car une grande partie du territoire africain n’est pas encore utilisée et les potentialités agricoles sont donc grandes. »

Autre question posée lors de la conférence de presse :

Sur ce point justement des terres encore disponibles, celles-ci ne sont-elles pas occupées par d’autres espèces, qui risqueraient alors de disparaître ? De quel droit considérons-nous que ces terres sont disponibles ?

Mamadou Cissoko, ROPPA

« Bien sûr que les Hommes sont supérieurs aux animaux ! Ce sont les Hommes qui ont les armes !

Nous n’incluons pas les forêts dans le calcul des terres disponibles. »

Henri Josserand, FAO

« Bon nous allons peut-être passer à d’autres questions plus en lien avec notre actualité... »

Les présentations faites lors de la réunion du RPCA ainsi que le communiqué de presse reprenant les principales conclusions et recommandations sur la situation alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest sont disponibles à cette adresse.

Observations :

Démographie Responsable s’associe à l’idée selon laquelle ce sont les femmes elles-mêmes qui doivent choisir le nombre d’enfants qu’elles veulent avoir. Cependant, pour que l’on puisse parler effectivement de choix, encore faudrait-il que l’accès à la contraception soit libre (sans pression des maris et des familles notamment) et gratuit (dans un récent article consacré au Burkina Faso, Amnesty International rappelait que le prix des contraceptifs est un des obstacles à la planification familiale).

Dire d’autre part que les effets des politiques familiales ne sont visibles que sur le long terme et que ce n’est donc pas une priorité de les mettre en place, c’est oublier que si les gouvernements avaient réagi à l’époque où les premières voix se sont élevées contre les dangers d’une surpopulation, nous aurions pu alors éviter de passer par le pic annoncé, qui vu la situation alimentaire actuelle, devrait être lourd de conséquences pour les populations africaines les plus vulnérables.

C’est oublier également que les Nations unies indiquent des hypothèses « basse et haute ». Ainsi la population de l’ensemble de l’Afrique pourrait se situer en 2050 entre 1,8 et 2,3 milliards d’habitants (et entre 1,5 et 2 milliards pour l’Afrique subsaharienne). C’est sur cette différence (d’un demi milliard, quand même…) que les politiques de planification familiale pourraient jouer.

Sur les terres encore disponibles en Afrique, Démographie Responsable souhaite seulement rappeler que lors de la conférence de la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées, qui s’est tenue le 25 mars dernier, pour ne citer qu’un exemple d’espèces menacées, des experts ont indiqué que les gorilles pourraient disparaître en Afrique d’ici quinze ans, notamment en raison de la dégradation de leur habitat (due à l’expansion agricole et l’exploitation forestière illégale) …