L'équation de Kaya

Dans sa majeure partie, cet article reprend de façon synthétique celui de Jean Marc Jancovici que l’on peut trouver sur son excellent site « Manicore ». Il n’en diffère essentiellement que par les estimations finales.

Les variables en jeu

Émissions mondiales de gaz carbonique. On préfère parfois parler de GES (gaz à effet de serre) dont le CO2 est le plus grand contributeur.

Quantité d'énergie consommée dans le monde, par référence à l'unité " TEP ", ou " Tonne Equivalent Pétrole ", généralement utilisée quand on parle d'énergie (1 TEP = 11,6 MWh)

Produit intérieur brut, autrement dit l'unité de mesure (actuelle) de l'activité économique

La population: 6,75 milliards en ce début 2009 (+ 200.000 par jour...). A noter que pour la plupart des personnes faisant référence à cette équation, il s'agit là d'une donnée "non maîtrisable", d'une "variable imposée" (Wikipedia)

Élaboration de l'équation


- On part de l'égalité triviale:

- Sachant que le rapport de 2 valeurs identiques est égal à 1, on multiplie le membre de droite par 3 fractions "unitaires":

- Les propriétés de la multiplication des fractions permettent de les agencer différemment.


On obtient ainsi l’équation de Kaya


Les rapports

(!) Sachant que dans une boulangerie (!), le rapport suivant:
Quantité de farine pour faire des baguettes / Nombre de baguettes fabriquées = Quantité de farine contenue dans une baguette,
On peut maintenant définir chacune des fractions obtenues:

Est la quantité de CO2 qu'il faut émettre pour disposer d'une TEP d'énergie. On peut encore l'appeler « contenu en CO2 de l'énergie ». La valeur de ce rapport dépend du type d'énergie utilisé (fossile, renouvelable,...)

Est la quantité d'énergie qu'il faut utiliser pour produire un dollar (ou un euro) de biens ou services, encore appelée « intensité énergétique de l'économie ». L'évolution de ce rapport dépend de l'avancée technologique.

Est la production par personne

L’équation peut donc aussi s’énoncer de la manière suivante:

Émissions

de CO2

=

Contenu en CO2

de l'énergie

*

Intensité énergétique

de l'économie

*

Production

par personne

* Population

A noter que le produit des trois derniers rapports n'est autre que la consommation "globale" d'énergie:

Consommation

d'énergie

=

Intensité énergétique

de l'économie

*

Production

par personne

* Population

Les hypothèses

Il est établi que pour cesser d'enrichir l'atmosphère en gaz carbonique il faut diviser par 2 (ou multiplier par 0,5) les émissions mondiales, au moins si nous voulons éviter des conséquences très néfastes et il faut y arriver à l'horizon 2050 (nous avons donc 41 ans devant nous).
On part donc du principe qu'il faudra multiplier par 0,5 les deux côtés de l'équation.

Et on commence par regarder ce qui se passe tout à droite:

- La population: les démographes disent que la population s'achemine vers une multiplication par 1,5 d'ici 2050
- Le PIB par habitant: dans l'incertitude économique liée à la crise actuelle, toute projection est hasardeuse. Malgré cela, il peut sembler normal de choisir le taux que nos dirigeants appellent de leurs vœux et donc de constater qu'une augmentation moyenne mondiale de 2% (0,02) par an, entraîne une multiplication par 2,25 d’ici 2050. [formule des taux composés: (1,02)41 = 2,25 ].
- L'intensité énergétique: elle a baissé de 30% en 35 ans dans le monde; la prolongation d'un taux de diminution identique amène à une réduction de 35% en 41 ans, mais c'est une hypothèse "haute" parce que ce sont les premiers efforts qui sont les plus faciles à faire. En étant optimiste, on peut cependant supposer que l'intensité énergétique sera alors de 65% de ce qu'elle est aujourd'hui (65% = multiplication par 0,65)
- Ainsi, la consommation globale d'énergie se trouverait multipliée par 2,2 [0,65 x 2,25 x 1,5 = 2,2]

- Le contenu en CO2 de l'énergie: il a juste gagné 10% sur les 35 dernières années. En restant sur une baisse "équivalente", on obtient un taux de baisse tendantielle de 12% pour 41 ans et donc le "contenu en CO2 de l'énergie" diminuant de 12% passerait à 88% (multiplication par 0,88) de ce qu’il est aujourd’hui.
Finalement pour la partie droite de l’équation on obtient maintenant 1,9 [0,88 x 2,2 = 1,9] , c'est à dire une multiplication des rejets de CO2 par deux, alors qu'il faudrait les diviser par deux (pour obtenir les 0,5)...

L'équilibre

1) "L'intensité énergétique" étant déjà optimisée on ne peut plus jouer que sur le "contenu en CO2 de l'énergie" (c'est effectivement la variable la plus "prometteuse" puisque c'est celle où les énergies renouvelables entrent en lice). Pour arriver à équilibrer l'équation, les calculs donnent 0,23 pour le "contenu en CO2 de l'énergie" [0,23 x 2,2 = 0,5]
Mais il s'agirait alors d'une baisse de 77% (à comparer avec le taux de baisse tendantielle de 12%) et ce alors même que la consommation globale d'énergie est en plus censée doubler (voir plus haut sa multiplication par 2,2).
On ne peut que douter de la possibilité de réaliser une telle prouesse...

2) Alors, mission impossible?
Certainement si on se laisse enfermer dans les présupposés que sont "la poursuite de la croissance" et le fait que "la variable population n'est pas maîtrisable". Par contre si on ose briser ces deux tabous et proposer (comme le fait Démographie Responsable) les deux objectifs suivants à savoir:
croissance économique "zéro" (stabilité = coefficient 1) et croissance démographique de 10% (coefficient 1,1) d’ici 2050 (la croissance démographique zéro étant malheureusement impossible du fait même de l’allongement de la durée de la vie et de la lenteur prévisible pour mettre en œuvre une politique de limitation volontaire des naissances), alors ces deux hypothèses amènent à une multiplication par 0,7 (c’est-à-dire à une baisse!) de la consommation globale d'énergie [0,65 x 1 x 1,1= 0,7] et l’équilibre de l'équation est alors obtenu avec un coefficient de "contenu en CO2 de l'énergie" égal (hasard qui tombe mal...) à 0,7 [0,7 x 0,7 = 0,5]. Il reste alors à obtenir une baisse de 30% (1 - 0,7) de ce "contenu en CO2 de l'énergie", ce qui représente 18% de plus que le taux de baisse tendantielle de 12% évoqué plus haut, mais (bonne nouvelle) avec en prime une consommation d'énergie en baisse de 30% (1 - 0,7)

Cette perspective est évidemment beaucoup plus envisageable ...

- En effet, sachant que le ratio "énergies sans carbone" (nucléaire, hydro-éléctricité plus biomasse) sur énergies fossiles est actuellement de 20/80, une "simple" baisse de 30% de la consommation, si elle est affectée uniquement aux sources d'énergie émettrices de carbone, ramène ce ratio à 30/70 (*) et provoque donc automatiquement une baisse des rejets de CO2 de 10%
- il ne reste donc "plus qu'à" ramener ce dernier ratio aux alentours de 40/60 (et cette fois-ci par un effort soutenu sur les énergies renouvelables), pour dépasser légèrement cette fameuse baisse de 30%.

Cependant ne nous réjouissons pas trop vite, car ces calculs sont réalisés "au niveau planétaire".
De plus, pour ce qui concerne la France, les rejets de CO2 devront être diminués par quatre...

Tableau récapitulatif des deux situations d'équilibre évoquées

=
.
.
.
Projections

article

Manicore

0,5 = 0,23 . 0,65 . 2,25 . 1,5

Projections

Démographie

Responsable

0,5 = 0,70 . 0,65 . 1 . 1,1

Conclusion

Les calculs présentés ici ne s'attachent qu'au problème du CO2 et ne tiennent pas compte de nombreuses autres grandes questions, dont l'impact des activités humaines sur la biosphère (qui est aussi une des préoccupations essentielles de Démographie Responsable). Ils ont cependant le mérite de démontrer, si besoin était, le rôle prépondérant que jouent la croissance économique et la croissance démographique dans le maintien (ou la destruction) des grands équilibres de la planète.


(*) Ratio 20/80 sur une base 100 20
+ 80
=
100
La baisse de 30 affectée à 80 .............................
-30
20 + 50 = 70
Pour obtenir un % il faut multiplier par 10 / 7 30 + 70 = 100

Liens:

- Article Jean Marc Jancovici

- Article Wikipedia

- Article Cercle Gramsci

- Article Energie Durable

- Article Jeuf