Démographie : déclin au Nord, explosion au Sud
Article paru dans le Hors-série du Monde "Bilan Planète 2010".

Alors que les pays les plus pauvres ne parviennent pas à freiner leur natalité galopante, l’Europe, elle, n’en finit pas de vieillir.
Le processus qui doit mener l’humanité, lentement mais sûrement, vers une natalité et une mortalité faibles et équilibrées est en train de faire son œuvre un peu partout dans le monde. Le thème de la planification des naissances s’est donc invité lors de deux grands rendez-vous internationaux : la Conférence sur le climat de Copenhague en décembre 2009, et le sommet sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui s’est tenu à New York, aux Nations Unies, du 20 au 22 septembre 2010.

La planète comptera 9,1 milliards d’humains en 2050, selon la projection moyenne de l’ONU (un scénario qui table sur une réduction importante du taux de natalité dans les pays en développement), contre 6,8 milliards en 2010. Compte tenu de l’évolution inquiétante des émissions anthropiques de CO2, la planète peut-elle continuer à délaisser - y compris financièrement - la planification des naissances ? Pour le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), la réponse est non. Cependant, son appel, lancé lors du Sommet sur le climat, à freiner la natalité dans les pays pauvres, là où elle continue de croître à un rythme extrêmement élevé, a été très peu relayé.

En dépit des propos rassurants sur la transition démographique, le taux de fécondité atteint 4,9 enfants par femme dans les pays les moins avancés, contre une moyenne mondiale de 2,54. En Afrique centrale, le taux de fécondité est de 5,4 enfants par femme et de 5,1 en Afrique de l’Ouest. La population du continent noir, qui a passé en 2010 le cap du milliard d’habitants, va doubler d’ici quarante ans. La proportion de femmes de 15 à 49 ans utilisant une méthode quelconque de contraception y est la plus faible au monde. Elle ne dépasse pas 22% contre 86% en Asie de l’Est et 72% dans la zone Amérique latine et Caraïbes. Et l’éducation des filles - les jeunes femmes éduquées souhaitent moins d’enfants - ne produit pas d’effets à court terme.

L’Inde affiche, elle, un taux de natalité (estimé) de 20,5 pour 1000 en 2010 contre 36,4 au Kenya, pays qui a pourtant enregistré le plus de progrès dans ce domaine en Afrique.

Mesurant le chemin encore à parcourir pour parvenir aux OMD d’ici 2015, les chefs d’Etat, réunis à New-York lors du Sommet de septembre contre la pauvreté, ont constaté le peu de progrès réalisés sur l’objectif 5, qui vise à réduire de trois quart le taux de mortalité maternelle et à donner un accès universel à la santé procréative. Les principales causes de la mortalité des femmes enceintes sont connues : hémorragies graves suivant l’accouchement, infections, avortements à risques… Sur 1000 femmes qui meurent chaque jour dans le monde pour ces raisons, 570 vivent en Afrique subsaharienne. A l’issue du Sommet de septembre, les Nations Unies se sont engagées à bâtir une « stratégie globale pour la santé maternelle et infantile » pour laquelle près de 40 milliards de dollars (29,4 milliards d’euros) devraient être mobilisés dans les cinq prochaines années. Le but étant de faire accéder 100 millions de femmes à des méthodes modernes de planning familial d’ici à 2015.

Le contraste est total avec l’Europe vieillissante qui a franchi, en 2009, la barre des 500 millions d’habitants grâce à l’immigration. Comme le rappelle Gilles Pison, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED), « en 1960, l’ensemble des 27 pays qui constituent aujourd’hui l’Union européenne affichait près de 8 millions de naissances et à peine plus de 4 millions de décès ». On enregistre aujourd’hui 5,4 millions de naissances et 4,8 millions de décès.

Enrayer le déclin démographique est devenu une obsession dans certains pays comme l’Allemagne (1,34 enfants par femme), qui enregistre plus de décès que de naissances. La Russie, avec environ 142 millions d’habitants alors qu’ils étaient encore 148 millions en 1991, année du démembrement de l’Union soviétique, a engagé en octobre 2010 un vaste recensement avec l’intention de prendre des mesures pour contrer le vieillissement de sa population. L’immigration est une piste, mais les pays du Vieux Continent ont bien du mal à s’y résoudre.

Brigitte Perucca