Évangile et natalité

Avertissement

Je ne parlerai ici que de la tradition nataliste de l'Église catholique et pas de celle des autres religions chrétiennes, car c’est celle que je connais le mieux, étant moi-même catholique issue d’une famille catholique.
Je ne connais pas suffisamment la position des autres églises chrétiennes sur le sujet de la natalité pour en parler.
France Andrighetto

Une tradition qui encourage la natalité

La tradition catholique valorise la famille nombreuse comme un idéal.
Le Pape, et avec lui, le clergé, s’oppose avec force à l’avortement (ce qui est cohérent avec le respect de la Vie ordonné par Dieu), mais il s’oppose aussi à tous les moyens de contraception modernes, sauf l’abstinence pendant les périodes fécondes du cycle féminin, méthode certes naturelle, mais peu fiable et difficilement applicable quand les conditions matérielles sont précaires. Même cette méthode peu fiable est seulement tolérée, et n’est évoquée qu’avec des encouragements aux familles nombreuses

Si l'Église dissuade les couples d’adopter des méthodes modernes non naturelles de contraception, elle ne s’est jamais opposée aux méthodes modernes pour limiter la mortalité, même lorsque ces méthodes sont extrêmement artificielles (médicaments chimiques, greffes, assistance respiratoire etc…) J’y vois là un certain manque de cohérence, car la nécessité de limiter volontairement nos naissances vient directement de notre capacité à lutter contre la mortalité infantile et juvénile.

Paradoxalement : célibat et virginité, voies de sainteté

Paradoxalement, les membres du clergé sont eux-mêmes célibataires, et n’ont pas d’enfants (officiellement, au moins).

Les saints sont presque tous, à quelques exceptions près, des célibataires consacrés et sans enfants.

La sainte la plus vénérée, Marie, est supposée, selon la tradition, n’avoir eu qu’un seul enfant : Jésus. En fait l'Évangile ne dit pas que Marie n’a eu qu’un fils, ni qu’elle en a eu plusieurs. Le nombre des enfants qu’aurait eu Marie n’a en fait aucune importance pour les évangélistes. Seul compte le fait qu’elle a accueilli et élevé le « Messie » avec tout l’amour possible, pour qu’il puisse réaliser sa mission.
L'évangéliste Luc nous raconte des épisodes de l’enfance de Jésus sans jamais mentionner la présence de frères ou sœurs de celui-ci.
Un seul passage de l'Évangile fait mention des frères de Jésus, pendant sa vie adulte et publique :
Luc, ch .8 v.19 :
« Sa mère et ses frères vinrent alors le trouver, mais ils ne purent l’aborder à cause de la foule. »
Ce passage de l'Évangile n’a jamais empêché l'Église de nous présenter Jésus comme le fils unique de Marie, en argumentant qu’on pouvait entendre le mot « frère » comme les proches familiaux au sens large : cousins .
La tradition présente toujours la Sainte Famille comme composée seulement de Joseph, Marie et Jésus.

Les enfants dans l’Evangile


Les saintes femmes qui suivent Jésus, et dont parle l'Évangile, ne semblent pas avoir d’enfants : on n’en parle jamais. Quant aux sœurs amies de Jésus, Marthe et Marie, rien ne nous dit si elles ont eu ou non, des enfants .
A part l’épisode du massacre des enfants de moins de deux ans par le roi Hérode, les rares enfants (autres que Jésus lui-même) mis en scène dans l'Évangile sont des enfants que leurs parents tentent d’approcher de Jésus pour qu’il les bénisse.
« On lui présentait aussi les tout-petits enfants pour qu’il les touchât. Ce que voyant, les disciples les rabrouaient. Mais Jésus appela à lui ces enfants, en disant : « laissez les petits enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car c’est à leurs pareils qu’appartient le royaume de Dieu »
Je ne vois dans ce passage aucune incitation à FAIRE des enfants, mais plutôt à accueillir avec respect ceux qui existent, comme des personnes à part entière.

Dans un passage de Luc (ch. 9, versets 46-48), Jésus prend un petit enfant pour illustrer la grandeur de l’humilité et rappeler l’attention qu’on doit aux plus faibles :
« Une discussion s'éleva alors entre eux: Qui parmi eux serait le plus grand ? Mais Jésus, discernant le raisonnement de leur cœur, prit un petit enfant, et le plaça auprès de lui; puis il leur dit: Celui qui reçoit ce petit enfant en mon nom me reçoit; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, c'est lui qui est grand. »

Recevoir un petit enfant, ce n’est pas forcément en concevoir un : l’instituteur, l’éducateur au sens général peuvent remplir ce rôle, ou même toute personne rencontrant des enfants.
De plus, pour Jésus, les plus petits, ce n’est pas seulement les plus jeunes, mais aussi les plus faibles (malades, pauvres, exclus) comme le montrent toutes ses actions.

Quand Jésus parle du mariage, il en proclame l’indissolubilité « ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mat.19.6) : le devoir de fidélité conjugal est présenté comme fondamental, mais rien n’est dit sur l’éventuel devoir d’avoir des enfants, et encore moins, d’avoir de nombreux enfants.

Contraste avec l’Ancien Testament


Ceci contraste avec la Bible de l’Ancien Testament, où à diverses reprises, la venue de nombreux enfants est proclamée comme une bénédiction de Dieu, et surtout le si souvent cité verset 28 de la Genèse, chapitre 1, où juste après avoir créé l’homme (homme et femme il les créa), Dieu lui dit :
« Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la »
Le terme de soumettre est remplacé dans certaines traductions par dominer, ce qui signifie habiter (du latin « domus » qui signifie maison)
Dominus, c’est le maître de la maison, celui qui l’habite, la gère et l’entretient pour y faire vivre sa famille.
« dominer la terre» serait donc l’habiter et la gérer correctement, pas la détruire et la piller comme nous le faisons actuellement.
La multiplication a un sens pour une espèce nouvelle qui n’a pas encore atteint un niveau de population suffisant pour se maintenir. Toutes les espèces vivantes font ainsi : au début elles se multiplient jusqu’à atteindre un niveau d’équilibre avec leur environnement. L’ordre de Dieu de se multiplier peut donc se comprendre dans cette phase initiale de la création.

Au contraire de l’Ancien Testament, on cherchera en vain dans l'Évangile une quelconque exhortation à avoir des enfants ou à avoir de nombreux enfants.
La procréation n’est présentée ni comme un devoir, ni comme une condition du bonheur, je dirais presque : au contraire.
Dans les 4 évangiles officiels, rien ne nous indique que Jésus se serait marié et aurait eu des enfants. La tradition nous le présente comme célibataire.
Il évoque la continence volontaire comme moyen de s’approcher de Dieu :
Matthieu 19:12
« Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère; il y en a qui le sont devenus par les hommes; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne. »

Dans l'Ancien Testament, il y a de nombreux cas où Dieu intervient pour guérir des femmes stériles (Sarah femme d'Abraham, Rébecca femme d'Isaac, Léa, Anne ...), sans compter les nombreux psaumes et chants où on trouve des actions de grâce pour des femmes stériles qui ont enfin, grâce à Dieu, des enfants. La guérison d'une femme stérile, c'est même selon l'Ancien Testament, LE miracle par excellence, celui qui démontre le mieux l'amour de Dieu.

Tout au contraire, les Évangiles ne nous rapportent aucun cas où Jésus aurait guérit une femme stérile.
Il y a bien le cas d'Élisabeth, cousine de Marie, femme âgée et stérile, à qui sur le tard, Dieu accorde un enfant qui deviendra Jean Baptiste, prophète annonçant l'arrivée imminente du Messie.
Mais ce n'est pas un miracle de Jésus, car à l'époque de la conception de Jean Baptiste, il n'était même pas conçu. Pour les chrétiens, Jean Baptiste fait la jonction entre l'Ancien et le Nouveau Testament, sa conception miraculeuse se situerait donc dans la droite ligne de l'Ancien Testament, pas vraiment dans le Nouveau.
Les évangélistes nous racontent de nombreux miracles de Jésus : guérisons d'aveugles, de sourds-muets, de paralytiques, de boiteux, d’estropiés, d'une femme souffrant d'hémorragies, de lépreux, de schizophrènes et épileptiques (ou possédés du démon), la guérison d’une fillette de 12 ans mourante, mais jamais à ma connaissance de guérison d'une femme stérile.

La fin des temps


Lorsque Jésus évoque la ruine de Jérusalem, sans qu’il soit nettement précisé s’il s’agit des malheurs devant arriver au peuple juif, ou de la fin de l’humanité, ou carrément de la fin du monde, il dit « Malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là !» Mathieu, ch. 24, v. 19
J’y vois comme un avertissement : lorsque des catastrophes se préparent et que vous en voyez les signes, évitez de faire des enfants et de les plonger dans ce malheur, soyez responsables ! (« Et il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur la terre, les nations seront dans l’angoisse, inquiètes du fracas de la mer et des flots, des hommes défailliront de frayeur, dans l’attente de ce qui menace le monde habité, car les puissances des cieux seront ébranlées » Luc, ch. 21 v. 25-26 . (Mon avis personnel : nous y sommes presque !)

Ceci est une interprétation très personnelle du Nouveau Testament, que vous n’avez certainement jamais entendu du clergé catholique, mais je ne puis m’empêcher de voir dans ce passage une convergence de vue avec l’association Démographie Responsable.
La mystérieuse phrase de Jésus « malheur à la femme enceinte » est dans 3 évangiles (Mathieu, Marc, Luc), associée aux cataclysmes de la fin des temps. On peut y voir la simple évocation du malheur des mères qui pleurent leurs enfants tués (image douloureuse de toutes les guerres), mais il y a peut-être plus que cela. Ce pourrait être un avertissement, mal compris par ses contemporains et donc peu développé, comme quoi ces cataclysmes sont d’une certaine manière liés à la fécondité elle-même.
Jésus aurait-il déjà fait le lien entre surpopulation et cataclysmes ? Sinon, comment expliquer que le célibat puisse constituer la voie suprême pour s’approcher du royaume de Dieu, alors qu’il semble contraire à l’ordre de la Genèse « soyez féconds et multipliez-vous » ?

Les premiers chrétiens


Les premiers chrétiens qui pensaient que la fin du monde était toute proche à cause de la parole de Jésus, « En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout ne soit arrivé », (Luc, ch.21, v ; 32) n’encourageaient absolument pas le mariage ni la natalité, au contraire ;
Peut-être avaient-il une interprétation proche de la mienne ?

En effet, on trouve dans la première Épître de Paul aux Corinthiens, ch. 7 , v. 25 à 28 :

« Pour ce qui est des vierges, je n’ai point d’ordre du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle.
donc ce que j’estime bon, à cause des temps difficiles qui s`approchent: il est bon à un homme d’être ainsi.
tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien; n’es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme.
tu t’es marié, tu n’as point péché; et si la vierge s’est mariée, elle n’a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner. »

Un peu plus haut dans cette épître, Paul ose même dire « je voudrais que tous les hommes fussent comme moi », c’est à dire célibataires !
Si son vœux avait été réalisé, on ne parlerait pas de surpopulation !

Paul ne semble pas comprendre le célèbre « soyez féconds et multipliez-vous » de la Genèse comme un ordre encore valable dans la Nouvelle Alliance, puisqu’il avoue « je n’ai point d’ordre du Seigneur ».

Pourquoi cette méfiance vis à vis de la contraception ?


La position du Pape sur la contraception et sur le préservatif ne se justifie, selon moi, par aucun des textes du Nouveau Testament.
On pourrait comprendre que le Pape dise : « le préservatif permet d’éviter le Sida et les grossesses non désirées, mais il ne doit pas vous encourager à l’infidélité, ni à avoir des relations sexuelles hors mariage. Une bonne maîtrise de vos pulsions sexuelles, par respect pour les personnes que vous rencontrez, par respect pour votre corps, et par respect pour votre famille, peut seule vous conduire à une élévation spirituelle. »
Il serait alors en parfaite cohérence avec le message évangélique.
Malheureusement, ce n’est pas ce qu’il dit, et j’avoue que je ne comprends pas.