Radio France Internationale

« Serions-nous plus heureux si nous étions moins nombreux ? »

Lors de cette émission diffusée le 04/03/2014 et disponible ici, le démographe Hervé Le Bras est intervenu (via un enregistrement) sur la question des densités de population. Selon lui, plus un pays est densément peuplé, plus il préserve son environnement. A l'appui de cette thèse, Mr Le Bras a cité le cas du Sri Lanka (dont la densité est rappelons le de 311 hab/km²) qu'il a comparé au Brésil (23 hab/km²).

Hervé Le Bras : « C'est souvent le manque de population qui est la raison pour laquelle on abîme la planète. Si vous comparez mettons l'île de Ceylan et puis le Brésil. Dans l'île de Ceylan, vous avez des champs magnifiquement cultivés, vous avez une très grande densité, donc on ne peut pas se permettre d'erreur et les paysans du sud de l'Inde savent très bien comment gérer leurs terres. Alors qu'au Brésil, vous avez une très faible densité et vous avez un problème récurrent de saccage de la forêt, d'exploitation à outrance des sols et quelque part c'est un paradoxe, c'est parce que la population n'est pas assez nombreuse qu'on abîme cet endroit là la planète, alors que dans d'autres endroits on a pu la conserver parce que on y a le sentiment que la nature est un très fort capital.»

Commençons par dire que sans les êtres humains, voire même avec un faible nombre d'entre eux, la planète se portait très bien et en tout cas incroyablement mieux qu'aujourd'hui. De plus, nous savons maintenant que, du fait de notre nombre et de notre mode de vie, nous avons initié une sixième extinction des espèces (la précédente remontant à celle des dinosaures...) avec entre autre la disparition d'une bonne partie de la faune marine, sans même parler des tigres et des lions dont 97% ont été éliminés depuis le début du XXème siècle.

Maintenant, il est évident que plus un pays est densément peuplé, plus il devrait être amené à préserver son territoire au risque de rendre celui-ci totalement invivable et c'est tout à l'honneur des sri-lankais d'avoir relativement réussi dans cette tâche. On ne peut néanmoins oublier que d'autres pays tout aussi densément peuplés n'y sont pas du tout arrivés, tel Haïti qui (avec 371 hab/km²) compte une densité comparable à celle du Sri Lanka : il n'y a donc aucune règle en la matière et l'on peut même trouver des pays, fort peu densément peuplés comme la Nouvelle Zélande avec ses 17 hab/km², qui préservent très bien leur environnement .

Maintenant, si l'on se réfère aux travaux du Global Footprint Network, comme on le verra sur ce graphique, il se trouve que le Sri Lanka est un pays qui est écologiquement DÉBITEUR (moins 0,74 hectares globaux*) et qui vit donc en quelque sorte "sur le dos" du reste de la planète. Son dépassement écologique est d'ailleurs tel, qu'il faudrait « 2,6 Sri Lanka » pour faire vivre les habitants en équilibre avec les ressources de leur pays (1,21 divisé par 0,47).

Quant au Brésil, malgré le saccage partiel de la forêt amazonienne que l'on ne peut que condamner, il reste malgré tout encore un pays très largement CRÉDITEUR (plus 6 hectares globaux), et ce justement grâce à sa faible densité.

D'une façon générale, la biocapacité (par personne) d'un pays variant en fonction inverse de la densité, un pays faiblement peuplé aura plutôt tendance à être vertueux (et donc créditeur) sur le plan écologique et un pays densément peuplé sera inéluctablement conduit à être débiteur.

Au final, malgré les efforts louables des sri-lankais, ils ne peuvent absolument pas être montrés en exemple, car si le monde entier était aussi densément peuplé, il faudrait aux alentours de 2 à 3 planètes pour vivre en équilibre avec elles : or nous n’en avons qu’une seule...

Les "jardins" sri-lankais ne sont qu'un aspect de la question...
* Un "hectare global" est un hectare qui aurait la productivité moyenne de la planète : si un hectare a une productivité supérieure de 20% à celle de la moyenne, il sera donc comptabilisé comme 1,2 hectares
Pour aller plus loin...
Détail exact de l'empreinte du Sri Lanka

Terres

cultivées

Pâturages Forêts Pêcheries

Empreinte

carbone

Terrains

bâtis

TOTAL
EMPREINTE 0,36 0,07 0,15 0,28 0,29 0,06 1,21
BIOCAPACITÉ 0,30 0,02 0,04 0,05 0,06 0,47
DÉFICIT 0,06 0,05 0,11 0,23 0,29 0,00 0,74

Comme pour un très grand nombre de pays de la planète, c'est son empreinte carbone qui "plombe" principalement le Sri Lanka. Ensuite, malgré le fait que ce pays soit une île et qu'il dispose donc de territoires de pêche conséquents, et bien cela ne suffit pas à sa forte consommation de poissons (82% d'importation!). On remarquera aussi le déficit en produits forestiers, causé par un nombre insuffisant de forêts. Enfin, le pays importe 17% des produits agricoles et 71% des produits d'origine animale : tout ceci bien que ses paysannes s'échinent à la tâche comme on le voit sur la photo...

Concernant les terrains bâtis, et ceci est valable pour toutes les études du Global Footprint Network (GFN), ils apparaissent pour la même superficie en débit et en crédit : ils sont donc sans effet sur le résultat final. On aurait donc aussi bien pu ne pas les faire figurer, mais à partir du moment où l’empreinte (et la biocapacité) sont comptabilisées en surfaces, il est aussi intéressant de savoir de quelle superficie de terrains bâtis dispose chaque individu en moyenne. Il est possible aussi que le GFN considère qu'ils pourraient en partie être réaffectés…

Commentaires archivés

#11 Le Figaro publie une une statistique incroyable. — 29-03-2014 17:46

Avec une moyenne de 5 enfants par femme, le Sénégal enregistre 524 000 naissances par an, contre 830 000 en France, pourtant quatre fois plus peuplée.

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/03/28/22169-senegal-peine-reduire-mortalite-maternelle-infantile

#10 N'importe quoi — 27-03-2014 09:28

« ... plus un pays est densément peuplé, plus il préserve son environnement. »

« ... et l'on peut même trouver des pays, fort peu densément peuplés comme la Nouvelle Zélande avec ses 17 hab/km², qui préservent très bien leur environnement . »

« ... il n'y a donc aucune règle en la matière. »

Dans le texte du sieur Le Bras, à quelques lignes d'écart.

Qui faut-il féliciter de la propagation de telles âneries ? L'auteur ou RFI ?

#9 En Algérie, le baby boom prend de l'ampleur. — 15-03-2014 20:19

Révélation du journal El Watan, le baby boom algérien met la pression sur les services de gynécologie.

«Ce qui est même plus important que le fameux boom des années 1980, quand les naissances ont culminé à 800 000 par an», s’exclame Amar Ouali, directeur de la population au sein du ministère de la Santé.

Fait inédit dans les annales démographiques algériennes : les naissances pourraient franchir, cette année, le cap du million, et ce, de quelques centaines de milliers de bébés.

Au 1er juillet 2014, les démographes prévoient (..) 39 millions d’Algériens.

Source

http://www.elwatan.com/actualite/le-baby-boom-met-la-pression-sur-les-services-de-gynecologie-11-03-2014-248716_109.php

#8 Le paupérisme érigé en valeur ? — 13-03-2014 07:16

Effectivement, une personne qui n'a pas mangé depuis plusieurs jours est incroyablement heureuse lorsqu'elle trouve un morceau de pain rassis dans une poubelle et en tout cas plus heureuse qu'un canadien qui rentre chez lui après une journée de travail : doit-on en conclure que l'humanité doit vivre dans la douleur 99% de son temps ?

#7 Le Bonheur et la Nature — 10-03-2014 10:58

Le bonheur est une chose compliquée, individuelle, changeante, multifactoriell e, insaisissable, fragile, non durable... Pourtant on peut penser que le plaisir de vivre dans une nature préservée y ait sa part. A 1000 habitants par kilomètre carré, c'est impossible la nature est forcément détruite, il n'y a plus de place pour les forêts, pour les montagnes, pour rien en fait. Quant au bonheur des autres habitants de la Terre... peu importe, car à ces densités là de peuplement humain, ils n'existent plus, le problème est réglé.

#6 Rien à voir — 09-03-2014 09:20

Heureusement que le bonheur ne dépend ni de la densité,ni du PIB par habitant.

#5 Plus c'est gros, plus ça passe ? — 07-03-2014 20:39

« Un tiers de la population de l'Inde(soit 400 millions de personnes) vit avec moins de 1,25 dollar par jour. Un enfant sur cinq est en situation de crise (avec un poids trop faible pour sa taille) et près de la moitié ont été sous-alimentés pendant la phase décisive de la petite enfance et souffrent d'un retard de croissance.»

http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/international/asie/221190389/linde-face-defi-sous-alimentation

Si les indiens avec leurs 388 habitants au km² sont plus heureux que les canadiens, que dire des bangladais et de leurs 1088 hab/km² : ils nagent dans le bonheur... sauf évidemment quand un immeuble-usine employant plusieurs milliers d'ouvriers leur tombe dessus...

#4 Echangeons les densités — 07-03-2014 10:10

Je ne suis pas certain que 1,2 milliard d'indiens soient plus heureux que 34 millions de canadiens, mais je sais que si le Canada était peuplé avec la même densité que l'Inde, il n'y aurait pas beaucoup d'espoir pour la nature (il y aurait alors 3,5 milliards d'habitants au Canada !). Par contre si l'Inde était peuplée avec la même densité que le Canada, elle aurait moins de 12 millions d'habitants et le tigre et beaucoup d'autres espèces seraient sans doute sauvées. Quant au vieillissement de la population, inutile d'essayer de l'éviter il est inéluctable, tout processus de stabilisation y conduit forcément. Essayer de lutter en faisant toujours plus de jeunes ne revient qu'à repousser le problème pour le poser demain à une plus grande échelle. Les jeunes d'aujourd'hui sont les vieux de demain, nous ne changerons pas cette loi. Cela serait une fuite en avant que de bâtir une société où l'équilibre serait dépendant du fait que chaque génération soit plus nombreuse que la précédente.

#3 Regardons en face — 07-03-2014 01:44

Je crois que la question n'est posée ni au bon moment ni au bon temps. Qu'on le veuille ou non la démographie mondiale continue de croître.

Je ne crois pas au génie humain infini, qui n'a pas su faire qu'un milliards d'individus ne mangent toujours pas à leur faim aujourd'hui.

Quoi que l'on fasse, ou que l'on ne fasse pas, dans les années 2030 le grand effondrement démographique et économique commencera, à cause de la pénurie des énergies fossiles rentables.

Quand on se rendra compte, alors qu'on est bel et bien pris dans cette grande dégueulante, on pourra se poser la question: serions nous moins malheureux si nous avions étés moins nombreux

#2 Moins nombreux et malheureux — 06-03-2014 23:03

Pour répondre à la question contenue dans le titre, je dirais que le bonheur ou l'absence de bonheur n'est pas corrélée au nombre. 1,2 milliard d'Indiens sont plus heureux que 34 millions de Canadiens.

Autre vérité: ne vous en déplaise, la terre survivra à l'espèce humaine. Nous ne sommes que des fourmis sur la surface du globe qui lui a connu des mers de pluies acides, des glaciations incroyable ou milliers de volcans en éruption simultanées. Ne nous surestimons donc pas.

D'autre part, nos sociétés modernes sans assez d'enfant commenceront à vieillir et la conséquence de ce vieillissement sera une société de vieux, pauvres car dans un système qui n'aura pas assez de jeunesse pour les supporter, et souvent seuls.

Allez chercher le bonheur dans une société de grabataires...